Des Beatles à Billie Eilish, en passant par Kanye West ou Janet Jackson: les documentaires musicaux, parfois déclinés en série, envahissent les écrans. Certains d’entre eux posent toutefois la question de leur « statut entre regard documentaire et objet promotionnel ».

« C’est la première fois que ça occupe autant le devant de la scène, on assiste à une floraison de formats, entre documentaires classiques, séries-documentaires ou docu-fictions », commente pour l’AFP Olivier Forest. Spécialiste des films sur la musique, il est coprogrammateur de Fame, le festival international de films sur la musique à Paris (16-20 février).

Le renouvellement de la forme

Des projets très attendus autour du rap en 2022 attestent de l’ébullition actuelle, de la série documentaire « Dear Mama » sur le parcours de la militante Afeni Shakur, mère de la star du hip-hop disparue Tupac (Disney+), à la série docu-fiction « Le monde de demain » sur les débuts de NTM, produite par Arte en collaboration avec Netflix. Le genre « s’est réinventé », éclaire Olivier Forest, depuis les « films très créatifs type ‘Don’t look back‘ sur Bob Dylan de D.A. Pennebaker » et les « concerts filmés à partir de Woodstock » dans les années 1960-70. Puis vient « l’endormissement quand MTV arrive » dans les années 1980, avec « un format ‘images d’archives/intervenant devant une console de mixage’ qui commence à lasser ». Et survient « le renouvellement de la forme pour le web », poursuit cet expert. Olivier Forest met en avant un « écosystème technologique » déterminant: « On écoute un artiste sur une plateforme musicale, on suit ce même artiste sur les réseaux sociaux, on va sur une autre plateforme d’images pour voir un documentaire ».

Documentaire ou objet promotionnel ?

Évidemment, certains projets auto-centrés, par exemple celui autour de Lady Gaga, posent la question du « statut entre regard documentaire et objet promotionnel ». Kanye West demande d’ailleurs un droit de regard à Netflix pour la version finale du documentaire qui lui est consacré. Mais la concurrence entre les plateformes a du bon car, comme le dit Olivier Forest, avec un « public bien éduqué à l’image, aujourd’hui, il faut être créatif, apporter une grosse plus-value, soit des archives jamais vues comme le ‘Get Back’ sur les Beatles de Peter Jackson, soit un accès intimiste aux artistes ».

Dans le genre, le rappeur français OrelSan a frappé un grand coup avec les 20 ans d’archives filmées par son frère dans la série-documentaire « Montre jamais ça à personne » (Amazon Prime Video). « Il y a plus d’archives que d’années de carrière et cette richesse des sources fait qu’il y a des choses à raconter », décrypte pour l’AFP Pierre-Olivier Toublanc, directeur du label 3ème Bureau, structure associée à l’artiste. « Il ne s’agit pas de faire briller OrelSan mais de raconter Aurélien Cotentin (le vrai nom de l’artiste, ndlr), montrer son parcours semé d’embûches et d’échecs ». Une séquence marquante dévoile l’apprenti OrelSan ridiculisé lors d’un duel d’improvisation rap, sous l’oeil d’un jury où trônent des pointures françaises comme Diam’s et Booba.

L’importance de la musique dans nos vies

L’effervescence actuelle autour de ces documentaires/séries témoigne en outre de « l’importance de la musique dans nos vies », souligne auprès de l’AFP Anne Georget, présidente du Fipadoc (Festival international de documentaires). Un documentaire au Fame montre l’artiste britannique Charli XCX, bloquée chez elle par le confinement, tenter d’enregistrer un album en s’appuyant sur les compétences de certains de ses fans, par écrans interposés. « Ça s’appelle ‘Alone together‘ (‘Seuls ensemble’) et ça encapsule tout le paradoxe contemporain, être connectés en restant isolés », décrit Benoît Hické, autre programmateur de Fame. « Et ça décortique la création musicale, comment ça se fabrique, ça peut parler aux fans et aux non-fans ». « Cela dit aussi beaucoup des pratiques contemporaines, puisque Charli XCX documente elle-même sa création en se filmant, elle devient sa propre archiviste », ajoute-t-il.

Tout le monde y gagne ?

Évidemment, si les plateformes « ont jeté leur dévolu sur les documentaires musicaux », comme le formule Olivier Forest, c’est que ça « leur permet d’acquérir de nouveaux abonnés, les stars arrivant avec leurs réseaux sociaux et leurs fans ». Mais, là encore, des portes peuvent s’ouvrir. « Cela permet de développer l’intérêt pour le format du documentaire chez les plus jeunes par le biais de la musique », conclut Anne Georget.

(Belga / Belga)

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